JEANBON SAINT-ANDRÉ

JEANBON SAINT-ANDRÉ
JEANBON SAINT-ANDRÉ

JEANBON SAINT-ANDRÉ ANDRÉ JEANBON dit (1749-1813)

Issu d’une famille protestante de Montauban convertie de force, élevé chez les jésuites qui voudraient l’enrôler sous leur étendard, Jeanbon préfère entrer dans la marine marchande et devenir capitaine au long cours; un peu plus tard, il revient à la théologie, mais pour se faire pasteur protestant et exercer son ministère dans son pays natal. Jacobin dès le début de la Révolution, élu député du Lot à la Convention, il se détourne vite des Girondins malgré ses relations personnelles avec plusieurs d’entre eux et devient Montagnard. Régicide. Envoyé en mission en mars 1793, il porte aussitôt un diagnostic remarquablement lucide sur la situation: «L’expérience prouve maintenant que la Révolution n’est point faite [...]. Le saint enthousiasme de la liberté est étouffé dans tous les cœurs. Partout l’on est fatigué de la Révolution. Les riches la détestent, les pauvres manquent de pain [...]. Les grains ne manquent pas, mais ils sont resserrés [...]. Nous faisons bien tous nos efforts pour redonner aux âmes un peu de ressort, mais nous parlons à des cadavres [...]. Il faut très impérieusement faire vivre le pauvre, si vous voulez qu’il vous aide à achever la Révolution.»

Le 10 juillet 1793, Jeanbon est élu au Comité de salut public où il remplace significativement Danton; dès le 27 juillet, c’est lui qui propose à la Convention d’y nommer Robespierre; dans le Comité, il fera tout pour maintenir l’union entre les robespierristes et les avancés (Billaud-Varenne et Collot d’Herbois). Pourtant, chargé plus spécialement des questions maritimes à cause de sa compétence, il est le plus souvent absent de Paris, en mission dans les ports ou sur mer. Seule cette absence lui vaut sans doute de ne pas partager le sort de Robespierre au 9-Thermidor. Il n’en est pas moins emprisonné par les thermidoriens au lendemain des journées de prairial. Libéré par l’amnistie votée par la Convention en sa dernière séance, il est nommé par le Directoire consul à Alger, puis à Smyrne; l’ouverture des hostilités franco-turques à la suite de l’expédition d’Égypte lui vaut trois ans d’une rigoureuse captivité. Il ne rentre en France qu’en octobre 1801.

Bonaparte, renseigné sur lui par Fouché, ne refuse pas d’employer un homme de cette trempe; le 1er décembre 1801, il nomme Jeanbon préfet du département du Mont-Tonnerre (Mayence) et commissaire général pour les départements de la rive gauche du Rhin. Jeanbon va s’y montrer pendant douze ans un administrateur exemplaire, soucieux au plus haut point de satisfaire les vœux de la population dont il est très aimé, ne perdant pas une occasion de glorifier la Révolution, même en public, notamment devant la Société des arts et des sciences de Mayence le 6 avril 1804, conservant son franc-parler autant que la simplicité de ses manières. Beugnot, ancien ennemi mortel des Montagnards, qui retrouve Jeanbon à Mayence en 1813, note: «Mettant à l’écart la représentation dont la nécessité ne lui était pas démontrée, et le respect de certaines convenances dont il n’avait même pas l’idée, Jeanbon ne laissait rien à désirer: travailleur infatigable, administrateur toujours prêt, sévèrement juste sans acception de parti, il comblait les vœux du département que d’abord il avait effrayé. Le mobilier de son cabinet consistait dans un bureau formé de quatre planches de sapin fortement unies, de six chaises de bois et de la lampe devant laquelle il passait souvent les nuits. On retrouvait dans le préfet de Mayence le vieux conventionnel du Comité de salut public, avec sa frugalité et sa laboriosité toute républicaine.»

Beugnot raconte ensuite comment, à la réception de gala, les jeunes nobles d’Ancien Régime, chamarrés et fringants, accablent de leurs railleries le vieux vêtement modeste du préfet. Et la réponse de Jeanbon: «Nous avons forcé les rois à venir humblement nous demander la paix. Savez-vous quel gouvernement a obtenu ou préparé de tels résultats? Un gouvernement de jacobins forcenés, coiffés de bonnets rouges, habillés de laine grossière, réduits pour toute nourriture à du pain grossier et de mauvaise bière, et qui se jetaient sur des matelas étalés par terre dans le lieu de leurs séances quand ils succombaient à l’excès de la fatigue et des veilles. Voilà quels hommes ont sauvé la France. J’en étais, Messieurs; et ici, comme dans l’appartement de l’Empereur où je vais entrer, je le tiens à gloire [...] Au surplus, attendons quelque temps: la fortune est capricieuse de sa nature. Elle a élevé la France bien haut; elle peut tôt ou tard la faire descendre, qui sait? aussi bas qu’en 1793. Alors on verra si on la sauvera par des moyens anodins, et ce qu’y feront des plaques, des broderies, des plumes et surtout des bas de soie blancs.»

Jeanbon ne verra pas la catastrophe qu’il pressentait, le moment où Napoléon lui-même appellera en vain Augereau à «reprendre ses bottes et sa résolution de 93». Quatre mois après l’entretien rapporté par Beugnot, prodiguant son dévouement aux blessés et aux malades de l’armée d’Allemagne refluant sur le Rhin, le préfet de Mayence succombait à l’épidémie de typhus.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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